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II
AVANT-PROPOS.

C’est à la fraction la plus nombreuse du public lettré, tranchons le mot, c’est aux écoliers qu’ils sont surtout destinés, et l’on sait au prix de quels sacrifices il est possible d’accommoder les œuvres littéraires aux besoins de l’éducation. La question d’utilité et surtout d’innocuité y prime constamment la question d’art et de beauté ; de là, force mutilations arbitraires, force exclusions imméritées que des scrupules et des préjugés de professeurs expliquent sans les absoudre entièrement.

Nous nous sommes placés au point de vue opposé ; c’est à l’universalité du public lettré, c’est aux esprits formés par l’étude et par le goût que notre livre s’adresse de préférence. N’est-ce pas, en fin de compte, le seul public pour qui ont été écrits tous ces chefs-d’œuvre qu’on peut bien apprendre par cœur, admirer, imiter même dès les bancs du collège, mais qu’on ne peut comprendre ni juger qu’après avoir reçu la double initiation de la vie et de l’art ? Il n’existait pas un seul recueil de poésie française digne de ce public d’élite ; nous avons entrepris de le faire. Voilà en deux mots la raison d’être de cette publication.

Pour embrasser dans son ensemble le sujet de ce livre tel que nous le comprenons, ce n’était pas trop du concours de tous les éminents écrivains qui depuis trente ans ont fait, au point de vue du goût, l’éducation de ce public de lettrés et de gens du monde auquel nous nous adressons. Chacun d’eux a pris, dans la vaste tâche des notices littéraires, la part qui répondait le mieux à ses prédilections personnelles et à ses travaux antérieurs ; de cette façon, les poètes admis à figurer dans notre recueil ont pu être appréciés avec autant de compétence que d’impartialité par des intelligences douées de ce tact sympathique si nécessaire au critique pour bien comprendre ce qu’il doit juger.

Leur imagination, aussi vive que leur goût est sûr, leur a permis de rajeunir les sujets les plus rebattus et de donner sous une forme attrayante et sans pédantisme, les résultats définitifs de l’érudition contemporaine, et ses conclusions sur chaque poëte. Ce n’est pas que nous ayons prétendu offrir au lecteur des monographies complètes ; nous avons dû, faute d’espace, sacrifier presque entièrement la partie biographique qui, d’ailleurs, se trouve traitée dans tant d’ouvrages spéciaux ; nous n’en avons gardé que ce qu’il fallait pour accentuer la physionomie du portrait, avant tout littéraire. Ce ne sont quelquefois que des silhouettes légères présentées de profil plus que de face, mais où se retrouve dans son vrai jour, et sous son côté le plus saillant,