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La raison principale qui rendait le commerce des femmes douloureux pour Baudelaire, c’était son opinion bien arrêtée sur l’impossibilité où sont deux créatures humaines de confondre leurs pensées et leurs sentiments, même dans la communion de l’amour [1].

Une seule chose compensa son pessimisme et l’empêcha d’être malheureux dans ses liaisons galantes, la puissance qu’a tout grand poète de se consoler de la réalité par la constante vision de l’idéal, et de tirer de

    gnez me le permettre, je vais vous dire comment je désirerais vous aimer, Au reste, vous adorer autrement me semblerait, je vous l’avoue, assez banal. — Je voudrais vous lier les mains et vous pendre, par les poignets, au plafond de ma chambre : alors je me mettrais à genoux et je baiserais vos pied nus. » Frappée de terreur, la blonde s’enfuit.
    « Le poète était très sincère. Il ne l’avait rêvée, pendant un moment, que pendue ; il nous en parla jusqu’à minuit.
    « — Petite sotte, dit-il en s’en allant, cela, m’eût été fort agréable ! » (Le Figaro, article du 15 août 1880, signé du pseudonyme : Pierre Quiroul. (M. Poupart-Davyl.) L’auteur a connu Baudelaire dans l’intimité.)
    M. Gustave Le Vavasseur note, lui aussi :
    « … Je ne sais absolument rien des rapports de Baudelaire avec Delatouche. Il devait avoir été attiré vers l’auteur de Fragoleita par le côté lesbien de l’ouvrage comme vers Gautier par Mademoiselle de Maupin, comme vers Balzac par La Fille aux cheveux d’or. Malheureusement notre pauvre ami avait de ces curiosités malsaines, et, plus malheureusement encore, il les prenait au sérieux. »

  1. Voir dans Mon cœur mis à nu le paragraphe XLIV, et le Poème en prose XXVI : Les Yeux des pauvres (Œuvres complètes, t. IV, p. 75).