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Quoi qu’il en soit de cette histoire, il est incontestable que le poète rapporta de son voyage le culte de la Vénus noire. Théophile Gautier, qui avait reçu, lui aussi, les confidences de son ami, était pleinement fondé à l’affirmer[1].

À peine de retour à Paris, il prit une maîtresse qui n’avait guère d’autre titre à son attention que d’être une fille de couleur[2]. Jeanne Duval, figurante dans

  1. Œuvres complètes de Baudelaire, t. I, p. 14.
  2. M. le marquis Daruty de Grandpré rapporte : « C’est au faubourg Montmartre que, passant un soir en compagnie de Cladel, Baudelaire aperçut Jeanne, que des ivrognes tourmentaient. D’instinct, Baudelaire s’interposa ; puis, offrant galamment le bras à la mulâtresse, il la reconduisit chez elle, abandonnant Cladel en pleine rue. » Et M. de Grandpré ajoute en note : « M. Léon Deschamps, directeur de La Plume, a bien voulu me conter ce détail inédit, qu’il tient lui-même de Cladel, qui fut l’intime aussi et le commensal de Baudelaire. » (La Plume, Ier août 1903.) L’anecdote a certes de la couleur et je conçois qu’elle ait séduit l’imagination de ses colporteurs… Il convient seulement d’observer que la liaison du poète et de sa Vénus noire date, sans aucun doute, de 1842, et qu’à cette époque, Léon Cladel, qui ne devait faire la connaissance de Baudelaire, qu’en 1861 — à l’occasion de ses Martyrs ridicules — avait huit ans à peine !