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quelques-uns des plus célèbres littérateurs de sa génération.

Asselineau nous a conservé de cette toile une description minutieuse :

« La figure peinte en pleine pâte s’enlève partie sur un fond clair, partie sur une draperie rouge sombre. La physionomie est inquiète ou plutôt inquiétante ; les yeux sont grands ouverts, les prunelles directes, les sourcils exhaussés ; les lèvres exultent, la bouche va parler ; une barbe vierge, drue et fine, frisotte à l’entour du menton et des joues. La chevelure, très épaisse, fait touffe sur les tempes ; le corps, incliné sur le coude gauche, est serré dans un habit noir d’où s’échappent un bout de cravate blanche et des manchettes de mousseline plissée. Ajoutez à ce costume des bottes vernies, des gants clairs, et un chapeau de dandy[1], et vous aurez au complet le Baudelaire d’alors, tel

    criardes, l'autre à réunir en deux ou trois fournées succéssives au Père Lathuille (Batignolles), alors restaurant à prix modiques, ceux de ses amis qui l'avaient le mieux aidé pendant le reste du trimestre. »

  1. M. Georges Barral, qui connut Baudelaire en Belgique, en 1864, notera :
      « Il était coiffé d’un important chapeau de soie à bords larges et plats. Ce haut-de-forme, bien connu de ses amis, était élégant, très étudié, évasé d’en bas, avec une fuite savamment amincie vers l’assiette supérieure. Ce genre de chapeau, exécuté sur ses indications, et qu’il affectionnait tout particulièrement, fit son désespoir à Bruxelles. Il ne put trouver jamais un chapelier bruxellois assez compréhensif pour en reproduire exactement le modèle. Après divers essais infructueux et des incidents comiques, il prit le parti de faire venir ses chapeaux de Paris. Il les achetait chez Camus (aujourd’hui disparu), successeur de Giverne, l’associé du fameux Gibus, chapelier, rue de l’Ancienne-Comédie, au coin de la rue Saint-André des