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Pour cette époque de sa vie, nous avons un portrait précieux du poète, celui que fit son ami Deroy, peintre de grand talent, qui mourut jeune, et fut pleuré par

    M. Charles Toubin, qui fut des intimes amis du poète, et dont on trouvera bientôt le nom mêlé aux essais de journalisme que tenta Baudelaire, nous a fourni, lui aussi, des renseignements qui prouvent qu’en 1847, Baudelaire n’avait pas renoncé à ses habitudes de « bohémianisme » : « Il avait alors deux domiciles, l’un rue de Seine, l’autre rue de Babylone, mais, au moment des échéances, il venait me demander l’hospitalité de nuit où je demeurais avec mon frère, alors interne des hôpitaux et médecin de la Mimi de Murger… Plus d’un des morceaux des Fleurs du mal a été sinon composé, du moins fixé sur le papier chez nous. Baudelaire composait au café et dans la rue. Ses consommations au café étaient le vin blanc, et il ne consentait pas à ce qu’on lui en offrît d’autre. Sa manière de s’inviter à dîner était celle-ci : « Dites-moi, avez-vous aujourd’hui quelqu’un à dîner chez vous ? — Non, Baudelaire. — Eh bien ! je vous tiendrai compagnie. » On en était récompensé par la quantité d’hommes marquants ou illustres qu’il connaissait et dont il vous faisait faire connaissance soit chez eux, soit dans la rue ! Je lui dois d’avoir connu plus ou moins Préault, Th. Gautier, G. de Nerval, etc., et d’avoir fait, petite gloriole, une fois ou deux, la partie de dominos avec Frederick Lemaître au café de la Porte Saint-Martin, où tous les deux allaient souvent. »

    M. Toubin nous donne encore ce détail qui prouve combien Baudelaire, pourtant si épris, dans son œuvre, de l’ordre et de la méthode, était loin d’y avoir plié sa vie : Le jour où il recevait de Mme Aupick Aupick les six cents francs de son trimestre venu de Constantinople (on sait que le général y avait été envoyé comme ambassadeur), il en faisait deux parts, l’une destinée à payer quelques dettes