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renoncer aux habitudes de flânerie, que sa vive imagination lui imposait despotiquement[1].

  1. Voir surtout dans Œuvres Posthumes, Mon cœur mis à nu, passim. Ailleurs, il parle de son vagabondage et de sa vie nomade. Le 3 novembre 1858, il écrivait à Poulet-Malassis : « Je prépare toujours ma double installation nouvelle, car alors je réparerai seize ans de fainéantise. » Pour montrer que Baudelaire n’exagérait pas, voici la liste approximative mais incomplète de ses changements de domicile pendant ces seize années, c’est-à-dire depuis son retour de l’Inde (février 1842) jusqu’à la date de la lettre qui contient cet aveu si expressif : Quai de Béthune, 10. — Rue Vaneau. — Quai d’Anjou, 17, hôtel Pimodan. — Hôtel Corneille, — Rue Coquenard, 33. — Hôtel Folkestone, rue Laffitte. — Avenue de la République, 95. — Rue des Marais-du-Temple, 25. — Rue Mazarine. — Rue de Seine, 57. — Rue de Babylone, 10. — Rue Pigalle, 61. — Hôtel Voltaire, quai Voltaire. — Rue Beautreillis, 22, sans compter plusieurs domiciles de passage qui ne sont pas mentionnés dans sa correspondance et ses fréquents séjours chez sa mère à Honfleur.
    Asselineau, dans sa Vie de Baudelaire, a essayé d’expliquer l’improductivité de son ami par l’adoption d’une méthode particulière : « Au rebours du commun des hommes qui travaillent avant de vivre et pour qui l’action est la récréation après le travail, Beaudelaire vivait d’abord. Curieux, contemplateur, analyseur, il promenait sa pensée de spectacle en spectacle et de causerie en causerie. Il la nourrissait des objets extérieurs, l’éprouvait par la contradiction ; et l’œuvre était ainsi le résumé de la vie, ou plutôt en était la fleur. »
    Mais ailleurs, — dans le Recueil anecdotique qu’on trouvera plus loin, — il donne les plus somptueux détails sur le travail irrégulier et capricieux du poète.