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« Baudelaire n’aimait ni la mauvaise tenue ni le mauvais goût, et il réagissait contre le débraillement prétendu romantique. Son habit noir, d’ailleurs pratique à l’état d’uniforme, était une pose. »

Vers 1846, il avait extrêmement simplifié sa toilette. Le matin, dans les rues désertes du faubourg Saint-Germain, il sortait en blouse. M. Champfleury, à qui je dois ce détail, le commente ainsi :

« C’était une forme nouvelle de dandysme. Notez que sous la blouse passait un pantalon noir à pieds (mode des écrivains à cette époque, Balzac, etc.) et que les pieds de ce pantalon de chambre étaient insérés dans d’élégants souliers à la Molière, que Baudelaire tenait à voir très reluisants toujours[1]. »

Baudelaire fut obligé d’abdiquer de bonne heure ses prétentions à l’élégance fashionable. Son revenu ne lui suffisait pas, et voulant dépenser beaucoup, il aurait dû produire beaucoup. Mais s’il aimait le travail, il faisait de vains efforts pour s’y assujettir ; — maint passage de Mon cœur mis à nu et de ses correspondances l’atteste. C’est qu’il lui manquait la force de

  1. La blouse étant de mise pendant la période où Baudelaire afficha des sympathies démocratiques, de 1848 à 1851, il la porta souvent, au cours de ces trois ans. Plus tard, sa toilette fut moins excentrique, mais resta bizarre. La première fois que je le rencontrai, en juin 1854, il était vêtu d’un paletot d’hiver, et son cou disparaissait dans un vaste foulard jaune et rouge à dessins éclatants.
    Dans les deux dernières années qu’il passa à Paris (1862—1864), Baudelaire porta sans vergogne des habits râpés. Il n’avait plus qu’un luxe, le linge blanc. Même en Belgique, sa toilette se faisait remarquer par un soin minutieux.