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— c’est M. Hignard qui nous le raconte, — il semble avoir sacrifié à l’exubérance romantique et s’être complu à scandaliser le « philistin ».

M . Hignard le rencontra près de l’Odéon :

« Toujours beau, charmant, distingué, un justaucorps de velours serré à la taille lui donnait l’aspect de ces jeunes patriciens de Venise dont Titien nous a laissé les portraits.

« Il était sans chapeau. Il m’expliqua que c’était non seulement une habitude, mais un parti-pris. Ainsi nu-tête, même aux extrémités de Paris, et si loin qu’il fût de sa demeure, il aimait à passer pour un habitant du quartier. »

Mais la période du justaucorps de velours ne dura guère, car l’auteur de la notice biographique du recueil des Souvenirs-Correspondances, décrit ainsi le costume original et immuable que son ami portait, vers 1840 :

« Pas un pli de son habit qui ne fût raisonné. Aussi quelle merveille que ce costume noir, toujours le même, à toute heure, en toute saison, ce froc d’une ampleur si gracieuse, dont une main cultivée taquinait les revers ; cette cravate si joliment nouée, ce gilet long, fermant très haut le premier de ses douze boutons et négligemment entr’ouvert sur une chemise si fine, aux manchettes plissées, ce pantalon « tirebouchonnant » sur des souliers d’un lustre irréprochable ! »

Voici, d’après le témoignage de M. Le Vavasseur, un autre costume de Baudelaire, celui qu’il adopta en 1842, quand il voulut s’habiller d’une façon qui répondit à son humeur de plus en plus grave :

« Baudelaire s’était composé une tenue à la fois anglaise et romantique. Byron habillé par Brummel. Chapeau haute forme, habit noir très ample, « boutonnable », quoique flottant,