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La poésie de Baudelaire était personnelle au premier chef, originale dans le fond comme dans la forme. Mais une forte dose d’imitation entrait dans son dandysme. Familier de très bonne heure avec la littérature anglaise[1], il y avait connu et admiré ce type dont elle a toujours fait, du Lovelace de Richardson au Pelham de Bulwer, un de ses thèmes favoris.

Ce que Baudelaire aime et admire le plus dans le dandysme, c’est le constant sacrifice de la nature à l’art. Plusieurs passages de ses journaux intimes révèlent sur ce point sa pensée entière. On lit dans Mon cœur mis à nu :

« La femme est le contraire du dandy. Donc, elle doit faire horreur. La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c’est-à-dire le contraire du dandy. »

Du dandy, Baudelaire se donna, de très bonne heure, les dehors impassibles, la froide et ironique politesse, ainsi que la toilette fashionable. Un moment,

  1. Sa mère lui avait certainement appris la langue de Shakespeare. Champfleury (Souvenirs de jeunesse) cite parmi les écrivains les plus aimés de son ami : Maturin, Lewis, Mathews. Ils lui étaient chers pour le caractère satanique — d’aucuns, à cette époque, disaient frénétique, — de leur talent. On le verra plus tard exprimer, dans une lettre à Sainte-Beuve, un véritable enthousiasme pour Shelley, et, dans son projet de lettre à Jules Janin, admirer le génie salamandrin de Byron. Ses Paradis artificiels sont, en grande partie, un résumé du livre célèbre de Thomas de Quincey : the Confessions of an English opium-eater, et ses traductions d’Edgar Poe forment la portion la plus considérable de son œuvre.