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« Nous vagabondions beaucoup ensemble, allant dîner chez le marchand de vin Duval, au coin de la rue Voltaire et de la place de l’Odéon, tantôt à la Tour d’argent, non loin du pont qui mène au quai de Béthune, très souvent hors barrière, du côté de Plaisance ou plus loin, dans un bon cabaret, bien au delà du faubourg Saint-Jacques, au moulin de Montsouris, dans des terrains alors presque vagues, plantés depuis, creusés, arrosés en parc. Nous avions là, autour de nous, un gazon maigre, un bout de haie, quelques arbres ; puis, d’un côté, la vue jusqu’au fort de Charenton ; de l’autre, la vue de tout Paris. Un bon coin pour philosopher. Ainsi, sur les cinq heures en été, nous nous mettions en quête d’un endroit méprisé des bourgeois et commode aux entretiens de haute et fine graisse, littéraire ou artistique, morale même. La chaussée du Maine et la rue de la Tombe-Issoire ont entendu, certains jours, des propositions, des déclarations à faire crouler l’Institut. »

Pour ce petit groupe d’amis, qui festoyaient et devisaient si joyeusement, le plaisir n’excluait pas le travail. Les deux intimes, MM. Prarond et Le Vavasseur, doués de la verve la plus facile, avaient un volume tout prêt à paraître. Dans la ferveur de leur amitié, ils proposèrent à Baudelaire de contribuer, pour un tiers, au livre de poésies qu’ils allaient