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traversée[1]. Il nous la récita dès son retour. À part cette pièce et le souvenir d’une négresse qu’il avait vu fouetter, à l’île Maurice, tout ce journal de sa pénitence maritime semblait page blanche. »

La perspicacité de M. Prarond l’a ici merveilleusement servi. Les recherches de M. le marquis Daruty de Grandpré[2] devaient établir en effet que Baudelaire, quoiqu’il en ait dit et même écrit[3], ne toucha jamais Calcutta. Mais, outre l'Albatros cité par M. Prarond, il est certain que le poète rapporta, dans ses bagages au moins, une seconde pièce, — l’un de ses plus fameux sonnets, À une dame créole :

Au pays parfumé que le soleil caresse…

La lettre qui accompagnait cet envoi, si heureusement retrouvée par M. de Grandpré, est précieuse parce qu’elle nous fournit un échantillon de la poli-

  1. Il est à remarquer que ce beau sonnet, l'Albatros, ne figure pas dans la première édition des Fleurs du mal qu’il n’eût pourtant pas déparée, et que le poète ne semble en avoir fait part à ses amis de la seconde époque, Poulet-Malassis et Asselineau, que deux ans plus tard ; mais Baudelaire retouchait ses vers jusqu’au moment de l’impression. Ainsi, pour ce sonnet, le texte, que nous donne la seconde édition des Fleurs du mal, diffère du texte communiqué à Asselineau.
  2. La Plume, nos des 1er  et 15 août 1893.
  3. « Jugez de ce que j’endure, moi qui trouve le Havre un port noir et américain, — moi qui ai commencé à faire connaissance avec l’eau et le ciel à Bordeaux, à Bourbon et à Calcutta, jugez ce que j’endure… » (Lettre à Ancelle, citée plus loin).