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» Vous savez que vous pour les impressions nettes et vive$, La Madelène pour les nuances fondantes, vous êtes à mon sens les deux artistes par excellence. Permettez-moi donc de vous prémunir contre l’abus des incidentes qui n’est pas encore — mais qui pourrai ! venir gâter votre prose harmonieuse et savante. Voilà bien du pédantisme — c’est mon état, hélas ’. — et je me reprocherais de trahir l’amitié si je ne pensais pas tout haut.

» Maintenant on pourrait demander si le Bien, le Beau, le Vrai ne sont pas convertibles l’un dans l’autre ou réductibles au même. C’est en effet cette prétention cachée qui entretient et pousse les écoles. — Mais il faut répondre hardiment non. — Ces trois formes de la Réalité correspondent aux trois formes du temps — et sont, par conséquent, éternelles comme lui — c’est-à-dire impérissables dans le temps. Remarquez que :

» Le bien est ce qui est toujours praticable ; c’est donc un présent éternel ; et il a en effet pour organe la volonté — faculté toujours présente, toujours actuelle — mère du temps.

» Le beau est ce qui est toujours désirable ; c’est donc un futur éternel ; et il a en effet pour organe le désir, l’amour, — faculté toujours naissante, mère des espérances et des rêves, toujours grosse de l’avenir.

» Le vrai est ce qui est toujours intelligible ; c’est donc un passé éternel en ce sens que les choses ne prennent à nos yeux la forme d’intelligibles ou d’idées qu’à la condition d’avoir élé des désirs, puis des actes (de l’esprit) et d’être pour ainsi dire mortes ou réfléchies