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Or, Charles avait vingt ans sonnés. Sa mère voulut mettre à profit le reste d’autorité légale qu’elle conservait sur lui, jusqu’à l’heure de sa majorité, pour l’éloigner quelque temps de Paris. Le conseil de famille, convoqué sur sa demande, autorisa un emprunt de cinq mille francs destiné à couvrir les frais d’un voyage, Et Charles, sans témoigner ni répugnance, ni joie, alla s’embarquer à Bordeaux, sur un navire qui devait faire voile pour Calcutta[1].

  1. Ce récit, qui résume une lettre de Mme Aupick à Ch. Asselineau (Voy. Appendice, chap. VI), nous parait être d’une authenticité incontestable. Pourtant il n’est pas impossible qu’elle ait altéré ou déguisé les faits par ménagement pour son fils, car, selon Maxime Du Camp, (Souvenirs littéraires), la résolution d’éloigner Baudelaire aurait été prise à la suite d’une scène terrible entre lui et son beau-père. Dans un grand dîner officiel donné par celui-ci, Baudelaire airait tenu quelque propos malséant ; puis, rudement rabroué par son beau-père, il l’aurait menacé de l’étrangler et saisi à la gorge. M. Du Camp ajoute : « Le colonel appliqua une paire de soufflets à Baudelaire, qui tomba en proie à un spasme nerveux. Des domestiques l’emportèrent. Il fut enfermé dans sa chambre : arrêts forcés. La réclusion dura quinze jours, au bout desquels Baudelaire fut mis en diligence, sous la surveillance d’un officier qui le conduisit à Bordeaux. Là, il fut embarqué sur un navire en partance pour les Indes : son passage était payé ; une somme d’argent assez modique et une pacotille valant une vingtaine de mille francs étaient mis à sa disposition. » La situation était si tendue entre Charles et son beau-père qu’une rupture était tôt ou tard inévitable. J’admettrais volontiers le récit de M. Du Camp, si d’évidentes inexactitudes de détail, dans la partie que je n’ai que résumée, ne me faisaient douter