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avec amplitude et magnificence. Je vous écrirai cela : vous jugerez.

» Voici, en attendant, une petite légende qui ressemble un peu à l’un de vos poèmes en prose, l’Etranger : je traduis du latin :

» Il y avait un moine — un parfait et ancien religieux — qui avait fait un pacte avec le Diable ; je veux dire qui avait accepté les services d’un démon mixte. Ce démon n’était pas, en son âme et en sa condamnation, des plus coupables ; il avait, dans les temps effroyables où se joua le grand conflit, il avait subi l’entraînement vague et presque moutonnier de Lucifer. Il ne s’était pas prononcé sur le fameux Non Serviam et s’était trouvé précipité hors de la joie et de la lumière, avant d’avoir eu seulement le temps de se reconnaître. De sorte que sa vie était comme un rêve et qu’il ne savait plus ce qui était arrivé. Il n’était pas mauvais, mais il avait contracté la manie de la chute, en voyant se culbuter, dans l’ombre et dans la foudre, le pêle-mêle des légions noires ! Puis… avec les longs et interminables siècles, avec l’insensible habitude de l’étonnement, il avait oublié cela, tout cela : il avait oublié.

» Enfin \ous comprenez ce que je veux dire. Vous seul pouvez exprimer cela aujourd’hui.

» Donc, un jour, il avait remarqué la terre, et trouvant confortable d’y rester aussi bien que dans les endroits où il était auparavant, il s’en alla dans les environs d’un monastère, car il aimait le silence. Là, je vous dis qu’il eut l’occasion de rendre service au vieil abbé, on ne sait pas comment. Le vieil abbé — un bon zig ! — comprit de suite toutes ses réserves de