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« Voici le Dieu ! De fibre en fibre, Au cerveau je le sens monter. Et sous ses assauts mon front vibre, Gomme s’il allait éclater.

« Il fait rage et dit à mon àme : « Alerte ! en voyage, ma sœur ! » Et la folle, en riant, se pâme Sous l’étreinte du ravisseur :

« Mais par où fuir inaperçue ? » Fait la pauvrette avec effroi. « La vie, ici, garde l’issue, Et l’os dur se voûte en paroi. »

« Attends ! dit le Dieu, je sais comme On peut sans bruit forer la chair, En éveillant au cœur de l’homme Le fantôme d’un rêve cher. »

« Et tout à coup, dans ma poitrine, Il souffle un amour si profond, Lîne tristesse si divine, Que mon cœur en sanglots se fond.

« Et vite ! dit le Dieu, c’est l’heure ! L’amour a tiré les verrous ; N’est pas méchant geôlier qui pleure ; Sur cette larme esquivons-nous.

« Ceci, Monsieur et cher ami, est un brin de prologue du poème intitulé : le Rêve du Chanvre, dont je m’occupais dans le même temps où vous livriez à l’impression votre étrange livre des Paradis Artificiels, que je trouve à mon retour d’un petit voyage dans le Bugey. Je suppose avoir pris du haschisch, et le Dieu