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vous êtes à Bruxelles ! — J’ai dit. Vous voilà au fait ; voyez si le cœur vous en dit ; voyez Lacroix Verboccken ; et, si cela est nécessaire, Guérin et mon mari vous appuieront.

» Maintenant, cher Monsieur, comme je n’ai pas laissé lire à mon mari tout ce que vous m’avez raconté pour distraire ma triste vie, il ne doit pas se douter que je vous mets directement dans la confidence de ces conversations. Mettons, si vous voulez, que j’ai raconté cela à Manet ou à Bracquemond, et que c’est l’un d’eux qui vous a écrit.

» Ah ! pendez-vous : il y a eu une soirée chez Manet, et vous n’y étiez pas ! Tout le monde, en grande tenue. La commandante, peu vêtue, mais de satin, avait des remparts, des tours, des balistes. des cabestans d’argent, sur la tête, le cou, les bras. C’était très militaire, et Polyte triomphait. La S… avait cet éclat emprunté, dont elle a Fart de peindre, etc., ’plus une coiffure grecque, qui allait à merveille à sa jolie tête. M mc Aubry absente. M me Brunet, absente. M me Marjolin, absente ; mais, des dames inconnues, brunes, blondes, se pressaient dans le salon. Les hommes, vous les connaissez tous, timides comme des poissons rouges, pudiques comme des éléphants, ou sauvages comme des ours ; ils ont résolu de nous fuir comme des pestiférées, et se sont installés dans la salle à manger.

» Manet allait des unes aux autres, dans le fallacieux espoir d’un rapprochement. La musique les attirait un instant ; puis, après, ils se sauvaient, tant qu’ils pouvaient. Il y a eu trêve au moment du thé ; on s’est