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convaincre que vous pensez fermement ce que vous dites.

» Ce qui me plaît dans votre talent, c’est qu’il vous appartient, que vous n’achetez ni vos idées ni vos épithètes chez le revendeur, et que vous plaidez une cause juste et que vous la plaidez bien.

» Au saut du lit, j’ai parlé de vos articles et de vous en bloc à un camarade, garçon d’esprit que j’aime de longue date, et qui, de-ci de-là, pense comme moi.

» J’ai été tout surpris de voir qu’il ne vous aimait pas. 11 me cita vos vers et votre première préface de Poe. » Il y a des beautés dans ses Fleurs du mal, beaucoup d’habileté ; mais combien d’images rebutantes, de fausse vigueur, de visions injustifiables. Ce sont des peintures de charnier, c’est une débauche de pourriture. Quant à sa prose, combien d’absurdités et de paradoxes, d’emmêlement, autant lire un livre d’algèbre. Je lis par curiosité, par entêtement, pour voir où il a prétendu me conduire, ce qu’il a voulu démontrer, et je sors de là avec l’esprit très fatigué, mais sans une conviction bien nette. »

» J’ai répondu : lis la Revue française. La langue de Baudelaire n’est pas toujours absolument fluide (bien que sa traduction soit d’une décision d’allure merveilleuse ; on voit à ses parenthèses, qu’il les déguise ou qu’il les avoue, qu’il est au contraire curieux de précision qu’il tient à ne rien omettre. Il exige un peu plus d’attention que le commun des livres, précisément parce qu’il contient davantage et qu’il envisage autant qu’il le peut une idée autrement que par ses surfaces. Il est certain d’ailleurs que plus il va,