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respondances-bibliographie (Paris, Pincebourde, 1872) nous a conservé une fort remarquable pièce de vers qui, d’après le paysage décrit, doit avoir été composée au retour d’un voyage que Charles fit, avec son beau-père, dans les Pyrénées, en 1837 ou 1838[1]. Le titre abstrait de ce petit poème : Incompatibilité, étonne et fait songer aux titres similaires de plusieurs Fleurs du mal ; mais ce qui frappe surtout, c’est la hardiesse des images et l’accent profond, la sincérité des impressions énergiquement rendues :

« Sur ces monts où le vent efface tout vestige,

Ces glaciers pailletés qu’allume le soleil,
Sur ces rochers altiers, où guette le vertige,
Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil,
« Sous mes pieds, sur ma tête, et partout, le silence,
Le silence qui fait qu’on voudrait se sauver,
Le silence éternel et la montagne immense,
Car l’air est immobile et tout semble rêver. »

Le vers souligné ne rend-il pas à merveille la nervosité si vive que l’on retrouve à chaque page des Fleurs du Mal ?

Baudelaire était sorti du collège en avril 1839, au milieu de l’année scolaire. Une ligne mystérieuse de l’esquisse d’autobiographie : « Jeunesse, expulsion de Louis-le-Grand, histoire du baccalauréat », demanderait des éclaircissements. Sur le premier de ces faits, les archives du lycée sont muettes[2]. Quant à l’his-

  1. « Voyages avec mon beau-père dans les Pyrénées » (Esquisse d’autobiographie).
  2. Par contre, M. Charles Cousin, le « spirituel anonyme » dont il est parlé plus haut, en a donné une raison que ses collaborateurs du Charles Baudelaire, publié chez Pincebourde, le prièrent de supprimer dans les pages destinées à leur recueil commémoratif, mais qu’il rétablit dans son Voyage au grenier (Paris, Damascène Morgant, 1878).
    « Je me souviens seulement de sa brusque disparition avant la fin de mes études et du motif que lui donnèrent les cancans de la « première cour ». Le voici en latin, ou plutôt non ; relisez, si vous êtes curieux, la seconde églogue de Virgile. »
    Mais M. Philippe Berthelot, qui a reçu les confidences de Louis Ménard — encore un condisciple de Baudelaire, — déclare que « cette petite note perfide ne répond à rien de réel. » (Revue de Paris, Louis Ménard, Ier juin 1901.)