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J’ai encore dans la mémoire quelques-uns des vers de ce temps-là, qu’il a oubliés sans doute et qui ne ressemblent pas précisément à ceux qu’il a donnés au public sous le nom de Fleurs du mal. »

Après avoir cité avec force éloges une strophe très médiocre, pastiche flagrant d’André Chénier, le critique se montre bien rigoureux pour d’autres vers, visiblement imités, non, comme il le dit, de Byron, qui a un tout autre accent, mais plutôt de Sainte-Beuve que Baudelaire aimait avec passion, dès le collège[1] :

« On trouvait déjà, çà et là, certaines affectations byroniennes de corruption prématurée. Écoutez, par exemple, ceci :

« N’est-ce pas qu’il est doux, maintenant que nous sommes
Fatigués et flétris comme les autres hommes,
De chercher quelquefois, à l’Orient lointain,
Si nous voyons encor les rougeurs du matin,
Et, quand nous avançons dans la rude carrière,
D’écouter les échos qui chantent en arrière,
Et les chuchotements de ces jeunes amours
Que le Seigneur a mis au début de nos jours ? »

Ce pastiche de Joseph Delorme serait fort innocent s’il n’était, avant tout, risible sous la plume d’un désespéré et d’un blasé de dix-sept ans.

Mais l’originalité du jeune poète ne tarda pas à se dégager. Un autre de ses anciens camarades, le spirituel anonyme auquel nous devons le curieux récit placé en tête des citations du recueil : Souvenirs-cor-

  1. V. dans le Charles Baudelaire, Lettres (Société du Mercure de France, 1907), la lettre à Sainte-Beuve de 1844).