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(gardez-la pour vous), car je suis très errant ; mais, je reviens à la même place :

» À La Bastide d’Armagnac, par Roquefort, chez M. Dulin. Département des Landes.

» Je ne perds pas mon temps. Yous ne croyez pas au temps perdu, et vous avez raison. J’ai un soleil fabuleux, un air de soie, la masse d’argent des Pyrénées brillant sous ma fenêtre, dans les lointains les plus clairs. Je fais collection de paysages et d’impressions, pour plus tard. Enfin, ma vie (et pour nous, nous savons ce que veut dire ce mot : vie) est presque heureuse. Je ne sais pas encore l’instant Juste où je rentrerai à Paris. Je me suis donné la tâche de tirer de ma tête deux travaux d’haleine, sans compter les autres ; et, je ne vous reviendrai, que ces choses terminées.

» Ceci n’est pas une lettre ; c’est un mot d’amitié. Si vous m’écriviez, tout lancé que je sois en sens divers, je vous répondrais en homme assis, sinon rassis. Je serais heureux d’avoir de vos nouvelles… et de la lit— lérature. Indiquez-moi quelques livres dont je puisse un peu rire ; car, il est bon, parfois, de se délasser du sérieux. Si vous aviez quelque ami de talent, comme Monsieur Barbara, à qui il faudrait faire place, mettez son livre avec le vôtre. Ce que vous estimez, en fait de talent, m’est suffisamment recommandé.

» Quand vous m’aurez répondu, et quand vous m’aurez dit où je puis, de sûreté, vous adresser les Reliquiœ, de Mademoiselle de Guérin, vous les recevrez, mon cher Baudelaire. C’est rare, et précieux, comme le diamant bleu de M. Hope, Mais, vous êtes des cinquante, en Europe, qui doivent avoir cela.