d’abord à la pension Delorme qui répétait au Collège Royal, et l’année suivante (1833) interne à ce collège.
Il n’y a point de doute que l’enfant ait ressenti cruellement ces événements. La haine qu’il voua dès lors à M. Aupick, et qui devait aboutir à l’éclat dont je parlerai tout à l’heure, a fourni à la légende baudelairienne, où il faut bien admettre qu’il entre souvent une bonne part de vérité, ses traits les plus nombreux. M. Buisson pourra noter justement :
« Baudelaire était une âme très délicate, très fine, originale et tendre, qui s’était fêlée[1], au premier choc de la vie. Il y avait, dans son existence, un événement qu’il n’avait pu supporter : le second mariage de sa mère. Sur ce sujet, il était inépuisable, et sa terrible logique se résumait toujours ainsi : « Quand on a un fils comme moi, — comme moi était sous-entendu, — on ne se remarie pas. »
Les quelques années qu’il passa au collège de Lyon, Baudelaire ne semble pas avoir été heureux : témoin ces lignes de son autobiographie : « Après 1830, le collège de Lyon, coups, batailles
- ↑ Il est curieux de noter que le mot de fêlure ou l’idée qu’il traduit, se retrouvent dans maints portraits biographiques de Baudelaire : on vient de lire la note de M. Buisson ; M. Hignard, dont nous parlerons plus loin, écrit : « Livré si jeune à tous les hasards de la vie, l’âme ulcérée, réduit à maudire ceux qu’il aurait dû aimer, il se produisit dès lors en lui une fêlure dont il ne guérit jamais. » Enfin, Théophile Gautier, selon M. Champfleury (Souvenirs et portraits de jeunesse, Dentu, 1872), définissait leur ami commun : « un beau vase qui a une fissure. »