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redoutait un tour nouveau de cet ironiste acéré et déconcertant. Je me sentis inondé, quant à moi, des torrentielles beautés d’un discours qui n’était que la plus adroite et la mieux déguisée des lectures. Je communiai avec le poète dans l’enthousiasme. Je lui dus dans l’avenir de ne jamais démériter de l’exemple qu’il m’avait donné en honorant les Maîtres et les Aînés.

Une petite table occupait le milieu de l’estrade ; il s’y tenait debout, en cravate blanche, dans le cercle lumineux épanché d’un carcel. La clarté tournoyait autour de ses mains fines et mobiles ; il mettait une coquetterie à les étaler ; elles avaient une grâce presque féminine en chiffonnant les feuillets épars, négligemment, comme pour suggérer l’illusion de la parole improvisée. Ces mains patriciennes, habituées à manier le plus léger des outils, parfois traçaient dans l’air de lents orbes évocatoires ; ou bien elles accompagnaient la chute toujours musicale des phrases de planements suspendus comme des rites mystiques.

Baudelaire évoquait, en effet, l’idée d’un homme d’église et desbeaux gestes de la chaire. Les manchettes de toile molle s’agitaient comme les pathétiques manches des frocs. Il déroulait ses propos avec une onction quasi évangélique ; il promulguait ses dilections pour un maître vénéré de la voix liturgique d’un évêque énonçant un mandement. Indubitablement, il se célébrait à lui-même une messe de glorieuses images ; il avait la beauté grave d’un cardinal des lettres officiant devant l’Idéal. Son visage glabre et pâle se pé