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conversai ions qui ne s’y rapportaient pas et l’éloignait de celles qui revenaient le plus souvent entre nous marins et les autres passagers militaires ou commerçants. Je dois vous le dire aussi, quoique je craigne de vous faire de la peine, ses notions et ses expressions tranchantes sur tous les liens sociaux, contraires aux idées que nous étions habitués à respecter depuis l’enfance, pénibles à entendre de la bouche d’un jeune homme de vingt ans et dangereuses pour les autres jeunes gens que nous avions à bord, venaient encore circonscrire ses rapports de société. Moi-même, qui, par l’engagement que j’avais pris avec vous, me trouvais envers lui dans une position particulière et qui, je dois m’empresser de le dire, voyais avec d’autant plus de peine la fausse direction de son esprit, que son instruction, la capacité qu’il m’a semblé reconnaître en lui, et les manières douces et amicales qu’il a toujours eues avec moi m’avaient inspiré un intérêt sincère, j’ai du renoncer à l’espoir que j’avais conçu de contribuer en gagnant sa confiance à lui faire perdre une voie où il pût employer honorablement les moyens que la nature lui a donnés. Ses expressions péremptoires sur tout ce qui tenait à ce sujet me convainquirent bientôt qu’il n’y avait aucune chance de réussir là où ses parents avaient échoué, et je dus renoncer à un sujet de conversation qui amenait des opinions quelquefois pénibles à entendre ; bref sa position à bord, d’ailleurs il faut en convenir, offrant un immense contraste avec la vie que ce jeune homme avait jusque-là menée, le mit dans un état d’isolement qui, je le crois, n’a fait qu’augmenter ses goûts et ses