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Sous ce crâne soyeux et cette peau sans plis,
De ne trouver jamais, sous cette belle forme,
Que sottise, luxure et gourmandise énorme.
Alors, si le dégoût te courbe, pour rêver,
Laisse le vin, la chair, et reviens me trouver ;
Nous causerons ensemble, et de ma calme page
Où tes yeux enflammés liront ce que le sage
En bien des jours d’épreuve et de douleur apprit,
Jeune homme tu verras enfin sortir l’Esprit.

Auguste Dozon.


2.


À mon ami C. B. [1].


Vous aviez l’esprit tendre et le cœur vertueux,
Tous les biens convoités d’une amitié naïve,
Lorsqu’une femme belle, et de naissance juive,
Vous conduisit au fond d’un couloir tortueux.

Elle vous fit couler, d’un doigt voluptueux,
La source des plaisirs aux égouts de Ninive ;
Elle vous fit toucher, sur sa chair toute vive,
Du vice et de l’amour les secrets monstrueux.

Elle eût enivré Loth au fond d’une caverne,
Tenu comme Judith le sabre d’Holopherne
Et frappé du marteau le front de Sisara.

Et tétant au plaisir vos tristesses infimes,
De ce sein que le vice et l’amour déplora
Vous avez fait couler vos funèbres maximes.

5 octobre 1842.

Ernest Prarond.
  1. On remarquera la forme discrète de ces dédicaces. Une autre pièce dans ce recueil (Vers, 1843), mais d’un caractère moins intime, est dédiée moins mystérieusement : À Charles Baudelaire.