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Ses meilleurs amis allaient régulièrement le voir (i). Léon Cladel prévenu télégraphiquement, accourut

ment m’a raconté un trait qui révèle la profondeur des ravages subis par le cerveau du poète. Asselineau voulait lui faire signer la quittance d’une somme qui venait de lui être remise, Baudelaire restait, la plume suspendue, cherchant visiblement son nom. Pour qu’il pût l’écrire, son ami lui mit sous les yeux le titre d’un de ses livres. C’est ainsi qu’il se rappelait les noms des amis qui venaient le voir, mais il ne pouvait que les répéter, quand on les lui avait prononcés.

Asselineau raconte que l’un d’eux, M. Nadar, de qui Baudelaire reçut avant et pendant sa maladie, des marques d’un tendre attachement, avait tenté de l’emmener, une fois par semaine, diner avec d’anciens amis. Le malade, d’abord heureux de cette distraction, dut y renoncer ; « Il payait le plaisir d’une soirée par des insomnies et des excitations suivies d’accablements qui contrariaient le traitement » (Vie de Baudelaire, p. 101).

(i) « J’ai nommé à Charles quelques-uns de ses amis pour savoir s’il serait désireux de les voir ; il a accueilli avec joie les noms de Sainte-Beuve, Max. Dacamp, Henry la Madeleine (sic), Théodore de Banville, Hetzel y Le Comte de llsle (le poète) (sic). » (Lettre de M rae Aupick à Malassis, 1 1 juillet 66.)

Il est à noter que Baudelaire, dont la légende tendrait souvent à nous faire douter des qualités de son cœur, avait inspiré à ses amis un attachement qui lui resta fidèle jusqu’au dernier jour.

Baudelaire reçut aussi les visites de plusieurs femmes du monde qui étaient de ses amies. « Une d’elles parvint à le décider à se laisser peigner. Sa chevelure et sa barbe le rendaient effrayant ; quand il se regarda dans la glace, il ne se reconnut pas, et salua. » (Le Gaulois, 27 septembre 86, article signé Ange Bénigne, (la comtesse de Molènes.)