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besoin de sincérité, il a livré le secret de sa détresse morale à M. Ancelle, dans cet aveu précieux :

« Je reçois de fort loin, et de gens que je ne connais, des témoignages de sympathie qui me touchent beaucoup, mais qui ne me consolent pas de ma détestable misère, de mon humiliante situation et surtout de mes vices. » (Lettre du 8 février i865.)

Baudelaire se calomnie. La paresse, dont il s’accuse parfois dans ses lettres, avait une très valable excuse dans les empêchements de la maladie ; mais sa conscience avait toujours eu de ces retours de sévérité. Maintenant, elle était d’une exigence étrange. L’idéal du dandysme s’était évanoui, l’âge et la pauvreté aidant ; il réprouvait toute ambition mondaine comme frivole ; l’admiration d’autrui ne lui semblait plus enviable. Mais un idéal nouveau, plus inaccessible encore, la perfection morale, l’attirait. Ses journaux intimes, où l’on peut suivre les phases de sa conversion, attestent quels efforts désespérés le poète tenta pour réformer ses goûts et sa vie :

« À chaque minute, nous sommes écrasés par l’idée et la sensation du temps. Et il n’y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, pour l’oublier : le plaisir et le travail. Le plaisir nous use, le travail nous fortifie. Choisissons. Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné. — Que de pressentiments et de signes envoyés déjà par Dieu, qu’il esl grandement temps d’agir, de considérer la minute présente comme la plus importante des minutes, et de faire une perpétuelle volupté de mon tourment ordinaire) c’est-à-dire du travail ! — Sans la chanté, je ne suis qu’une cymbale retentissante. —Mes humilia