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pour sa plume qui peint si pittoresquement, de nous fournir un dernier portrait de Baudelaire, — du Baudelaire svelte et valide que nous ne reverrons plus :

« À pas lents, d’une allure un peu dandinée et légèrement féminine, Baudelaire traversait le terre-plein de la porte de Namur, évitant méticuleusement la crotte et, s’il pleuvait, sautillant sur la pointe de ses escarpins vernis dans lesquels il se plaisait à se mirer. Rasé de frais, les cheveux rejetés en volute derrière l’oreille, un col de chemise mou, d’une blancheur absolue, dépassant le collet de sa longue houppelande, il avait l’air à la fois d’un clergiman et d’un comédien. »

M. Georges Barrai, de passage à Bruxelles pour accompagner M. Nadar dans la mémorable ascension du « Géant » , a raconté, d’autre part (i), l’accueil bienveillant et quasi-paternel que le poète avait fait à ses vingt ans enthousiastes, et de quelles curiosité, verve et passion, Baudelaire élait encore susceptible en septembre i864— Ensemble ils allèrent rêver par la plaine de Waterloo, et firent le pèlerinage de l’Hôtel des Colonnes, à Mont Saint-Jean, où l’auteur des Misérables, que le guide s’obstinait à appeler Victor Rugo, avait «vécu» quatre mois la tragique épopée. Et, au retour, Baudelaire offrit à son hôte un déjeuner fin, assaisonné

aux soleils d’automne, à la beauté des femmes mûres et aux étés de la Saint-Martin » et le passer en signe d’admiration, au « poète secourable et magnifique » (La Vie belge.) (i) Le Petit Bleu (de Bruxelles), 3i août 1901, 26 octobre et 2 novembre 1902, 21 juin 1906, articles qui seront réunis par l’auteur sous ce titre : Mes cinq journées avec Baudelaire.