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avec une audacieuse franchise, sans nul souci de scandaliser le lecteur ou les rivaux du maître anglais.

Cependanl sa santé s’altérait. Dès le commencement de 1862, il écrivait, dans son journal intime, Mon cœur mis à nu, ces lignes douloureuses et sinistres :

« J’ai cultivé mon hystérie avec jouissance et terreur. Maintenant, j’ai toujours le vertige, et aujourd’hui, 23 janvier 1862, j’ai subi un singulier avertissement, j’ai senti passer sur moi le vent de l’aile de l’imbécillité. »

À la fin de la même année, il mandait avec mélancolie à Poulet-Malassis : «… Pour moi, je me porte fort mal et toutes mes infirmités, physiques et morales, augmentent d’une façon alarmante. » Rien de plus à ce sujet, dans sa correspondance, jusqu’à la date de son départ pour la Belgique (avril 186/1) ; mais son état ne s’était pas amélioré. Plus tard, à propos de graves symptômes, précurseurs de la crise qui lui fut fatale, il écrira à M. Ancelle : « Je suis persuadé que j’étais malade en quittant Paris. »

On le rencontrait, dans les rues, vêtu d’habits râpés et l’air de plus en plus sombre. Il n’écrivait presque plus, et, avec une obstination désespérée, il menait le train de vie qui répondait le mieux à sa conception pessimiste de la vie et de la nature humaine. M. ïroubat qui le voyait intimement, pendant cette triste période, a bien voulu me communiquer ce curieux souvenir :

« Fréquentant les endroits où l’on s’amusait, tels que le Casino de la rue Cadet, j’y rencontrais, de temps en temps, Baudelaire <rui errait, avec une mine sinistre, au milieu des filles qu’il effarouchait.., Il se promenait à l’écart, en solitaire… Un soir, il