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les affaires de l’imprimerie, dut lui avouer sa détresse personnelle ; « Je suis désolé de vous affliger, mais, malgré le terrible mot répété si souvent, nous sombrerions, je suis contraint de vous demander peut-être l’impossible, enfin un grand acte de dévouement. » Il s’agissait sans doute de quelque engagement onéreux à prendre, sacrifice convenu d’avance entre eux, car la lettre ne fournit à ce sujet aucune explication .

Sa pénurie est devenue si douloureuse, qu’il est tenté de s’y dérober, même par la mort :

« Depuis assez longtemps je suis au bord du suicide, et ce qui me retient, c’est une raison étrangère à la lâcheté et même au regret. C’est l’orgueil qui m’empêche de laisser des affaires embrouillées. Je laisserais de quoi payer : mais encore faudrait-il des notes soignées (sic) pour la personne chargée de régler tout. Je ne suis, comme vous savez, ni pleurnicheur, ni menteur. Depuis deux mois surtout, je suis tombé dans une atonie et une désespérance alarmantes. Je me suis senti attaqué d’une espèce de maladie à la Gérard, à savoir la peur de ne plus pouvoir penser, ni écrire une ligne. Depuis quatre ou cinq jours seulement, je suis parvenu à vérifier que je n’étais pas mort de ce côté-là. C’est un grand point (i). »

Cette existence intolérable pour un homme de lettres à qui la sécurité d’esprit est nécessaire, ce supplice incessant de mêler des préoccupations pécuniaires au travail littéraire, désintéressé entre tous, se prolongea jusqu’aux derniers mois de 1861, époque de la faillite de Poulet-Malassis.

Libéré du souci périodique qui entravait sa vie, le poète restait grevé d’une] dette considérable envers son

(1) Décembre 1860.