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d’une façon bien caractéristique les moments principaux d’une crise qui ne pouvait avoir pour dénouement qu’une rupture plus ou moins prompte. Après quelques capricieux retours, la pauvre femme écrit à son amant, qui la fuit de plus en plus :

« Quelle comédie ou plutôt quel drame jouons-nous ? Car mon esprit ne sait quelles conjectures faire, et je ne vous cacherai pas que je suis très inquiète. Votre conduite est tellement étrange, depuis quelques jours, que je n’y comprends plus rien. C’est trop de subtilité pour une lourdaude de ma trempe. Eclairez-moi, mon ami, je ne demande qu’à comprendre. Quel mortel froid a soufflé sur cette belle flamme ? Est-ce simplement l’effet de sages réflexions ? Gela vient un peu tard. Hélas 1 n’estce pas ma très grande faute ? Je devais être grave et réfléchie, quand vous vîntes à moi. Mais que voulez-vous ? Quand la bouche tremble et que le cœur bat, les saines pensées s’envolent…

» Votre lettre m’arrive. Inutile de vous dire que je m’attendais à ce qu’elle me dit. Ainsi, nous n’aurons que le plaisir de vous posséder quelques instants ! C’est très bien, comme il vous plaira. Je n’ai pas l’habitude de trouver mauvais ce que font mes amis. Il paraît que vous avez une peur terrible de vous trouver en lête-à-tète avec moi. Ce serait pourtant si nécessaire ! Vous en ferez ce que vous voudrez. Quand ce caprice sera passé, écrivez-moi ou venez. Je suis indulgente, et je vous pardonnerai le mal que vous me faites.

» Je ne résiste pas au désir de vous dire quelques mots au sujet de notre brouille. Je m’étais cependant dicté une conduite pleine de dignité, et il ne s’est pas écoulé une journée entière que déjà la force manque à mon cœur, et cependant, Charles, ma colère était bien légitime. Que dois-je penser quand je te vois fuir mes caresses, si ce n’est que tu penses à l’autre, dont l’âme et la face noires viennent se placer entre nous ? Enfin, je me sens humiliée et abaissée. Sans le respect que j’ai pour moi, je te dirais des injures. Je voudrais te voir souffrir. C’est que