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Peu s’en fallait que, fidèle à la doctrine catholique qu’il professait de plus en plus, le poète des Fleurs du mal ne vît dans toutes les revendications de la libre-pensée des suggestions du démon.

C’est la conséquence logique qu’on serait en droit de tirer d’une curieuse note qui fait partie de son livre inachevé sur la Belgique.

Il y traite fort outrageusement les « exilés volontaires », c’est-à-dire les proscrits du 2 Décembre qui avaient refusé l’amnistie promulguée, en 1859, par le gouvernement impérial ; il les appelle « pères Loriquet de la démocratie, vieilles bêtes, vieux La Palisse, propres à rien, fruits secs, élèves de Béranger », et il ajoute :

« Quand on parle révolution pour de bon, on les épouvante. Vieilles rosières ! Moi, quand je consens à être républicain, je fais le mal, le sachant. Oui ! vive la Révolution ! toujours ! quand même ! Mais moi je ne suis pas dupe ! je n’ai jamais été dupe ! Je dis : « Vive la Révolution ! comme je dirais : Vive la Destruction ! vive l’Expiation ! vive le Châtiment ! vive la Mort ! Nous avons tous l’esprit républicain dans les veines comme la v…. dans les os. Nous sommes démocratisés et syphilisés. »

C’est ainsi que devaient finir les excursions du poète dans le domaine politique. Il n’avait aucune des qualités ni aucun des défauts qui font le journaliste ou l’homme d’action. On doit encore lui savoir gré des mouvements généreux qui l’entraînèrent, aux heures de crise révolutionnaire, à sortir de sa rêverie et de son travail d’artiste pour s’occuper de questions d’intérêt général [1].

  1. Dans une lettre adressée à Mme  Paul Meurice sur la fin de sa vie (28 octobre 1865), Baudelaire renie formel-