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se montra scandalisé, — et le pauvre Baudelaire ne fit pas long feu à Châteauroux.

» D’autre part, sa vie irrégulière n’était pas pour lui attirer la sympathie des pères de famille qui présidaient aux destinées du journal. Il avait amené de Paris une actrice qu’il fît passer pour sa femme.

» Le secret fut découvert, et, lorsqu’on lui donna congé, le président du conseil d’administration de son journal, un notaire qui avait lu Casimir Delavigne, lui lança cette mercuriale :

» — Monsieur, vous nous avez trompés. Mme  Baudelaire n’est pas votre femme ; c’est votre « favorite ».

» À quoi Baudelaire riposta :

» — Monsieur, la « favorite » d’un poète peut quelquefois valoir la femme d’un notaire.

» Ce fut sa flèche du Parthe. Le soir même, il repartait pour Paris. »


Dès lors, les préoccupations politiques ne tinrent plus qu’une très petite place dans la vie intellectuelle de Baudelaire ; ainsi, à partir de 1852, il n’en écrit pas un seul mot à Poulet-Malassis, son correspondant habituel.

Ses journaux intimes témoignent de son horreur croissante pour les doctrines du parti démocratique [1].

  1. Voir un curieux passage, où il réprouva formellement les mouvements insurrectionnels auxquels il avait pris part. A la suite de la phrase citée plus haut : « Mon ivresse de 1848, etc. », on lit : « Les horreurs de juin. Folie du peuple et folie de la bourgeoisie. Amour naturel du crime. Ma fureur au coup d’Etat. Combien j’ai essuyé de coups de fusil ! Encore un Bonaparte ! Quelle honte ! Et cependant tout s’est pacifié.
    » Le président n’a-t-il pas un droit à invoquer ? Ce qu’est l’empereur Napoléon, ce qu’il vaut. Trouver l’explication de sa nature et sa providentialité » (Mon cœur mis à nu, VII).