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tade du poète, une de ses plus audacieuses mystifications. Voici tout le passage de l’article qui concerne cet épisode, jusqu’alors ignoré même de ses amis intimes [1] :


« La place de rédacteur en chef était à prendre ; Ponroy la proposa à Baudelaire qui accepta et partit.

» Dès son arrivée, un grand repas fut donné en l’honneur du rédacteur en chef. Il y avait les principaux actionnaires du journal : de riches et bons bourgeois, un peu prudhommesques. Baudelaire ne desserra pas les dents. Au dessert, un convive s'étonna de ce mutisme :

» — Mais monsieur Baudelaire, vous ne dites rien ?

» Le mystificateur répondit :

» — Messieurs, je n’ai rien à dire. Ne suis-je pas venu ici pour être le domestique de vos intelligences ?

» Le lendemain, il épouvanta l’imprimeuse du journal, une vieille veuve, en lui demandant où était « l’eau-de-vie de la rédaction. »

» Il épouvanta bien davantage, le surlendemain, les braves abonnés du Journal de Châteauroux. Son premier article commençait ainsi : « Lorsque Marat, cet homme doux, et Robes- » pierre, cet homme propre, demandaient, celui-là trois cent » mille têtes, celui-ci la permanence de la guillotine, ils obéissaient » à l'inéluctable logique de leur système [2]. » Bien que la conclusion fut d’un autoritarisme à la Joseph de Maistre, tout le monde

  1. On savait que Baudelaire avait dirigé, très peu de temps un journal politique dans une ville de province et Asselineau a nommé Dijon (Vie de Baudelaire, p. 36). Il est certain que Baudelaire a résidé à Dijon, deux lettres de lui, datées 1849-1850 l’attestent, deux mois au moins. Mais quelle cause l'y avait amené, quelles occupations l’y retenaient, c'est ce que nous n’avons pu élucider.
  2. On trouvera le texte de cet article dans les Œuvres Posthumes éditées par le Mercure de France.