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LA RANCUNE.

Où vous voudrez…

RAGOTIN.

C’était une facétie. (Il laisse tomber son bonnet de coton.)

LA RANCUNE, partageant le bonnet.

Quand il y en a pour un, il y en a pour deux.

RAGOTIN, se couchant.

Aie ! aie ! que c’est dur ! (Les noix craquent.)

LA RANCUNE.

Ce sont les noix ! Le tout est de faire son trou…

RAGOTIN, mettant sa tête sur les chaises qui servent d’oreiller.

Ça n’est pas commode, les chaises.

LA RANCUNE.

On voit bien que ça n’est pas fait pour la tête.

RAGOTIN ; les noix craquent toujours.

Oh ! la ! la ! Enfin ça se tasse, ça se tasse !

LA RANCUNE.

Ça se casse ! ce sont les noix ! Ah ! nous allons très-bien dormir.

RAGOTIN.

Oui, il nous reste peu de temps. Il faut qu’au petit jour je me mette en route pour courir après ma Léonore !

LA RANCUNE, à part.

Et moi, pour éviter ce bon l’Aubépin !

RAGOTIN.

Faut-il souffler la chandelle ?

LA RANCUNE.

Oui, s’il vous plait ; maintenant, donnez-moi à boire !

RAGOTIN.

Vous buvez de l’eau… la nuit ? (Il lui passe la cruche.)

LA RANCUNE.

Oui… oui… c’est une revanche… je n’en bois jamais le jour. Merci ! (Il lui dépose la cruche sur l’estomac.)

RAGOTIN.

Aie ! aie !

LA RANCUNE.

Vous avez voulu la ruelle… Voici le grand moment… Il s’assoupit. (Regardant les bottes.) Je les vois là-bas, ces bottes, avec les éperons qui brillent ! Des éperons ! cela indique un cheval. Il faudra que je lui prenne aussi son cheval ! Et, sous ses habits, je m’enfuis sans danger. Il dort !… Dort-il ?… Je vais m’en assurer ! (Appelant.) Monsieur ! monsieur ! monsieur ! (Ragolin se réveille en sursaut.) Il ne dormait pas, voyez-vous ça…

RAGOTIN, se réveillant.

Quoi ? qu’est-ce ? Je ne dors pas !… Ah ! c’est vous !

LA RANCUNE.

Oui ! j’ai soif !