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Scène XI.

LA RANCUNE, RAGOTIN.
RAGOTIN.

C’est moi !… Figurez-vous que les camarades…

LA RANCUNE.

Qu’est-ce que vous avez fait de vos moustaches ?

RAGOTIN.

Ils me les ont coupées, parce qu’il parait qu’un comédien ne doit pas en avoir ; et puis ils m’ont coiffé d’un bonnet de coton ; et puis ils ont pris des chandelles, il ont dansé autour de moi, en chantant : Bonsoir, Ragotin !… et puis, et puis, ils m’ont laissé tout seul. Alors je suis rentré à l’auberge ; il y a une heure que je cours dans les corridors, et puis voilà.

LA RANCUNE, à part.

Cet homme a toujours ses magnifiques bottes ! des bottes neuves ! Comme on doit se sauver avec ça ! Si je pouvais lui prendre non-seulement ses… mais encore ses… Quelle idée ! (Haut.) Monsieur le marquis, je serais trop honoré si vous vouliez accepter la moitié de mon lit.

RAGOTIN.

Quoi ! vous consentiriez ?

LA RANCUNE.

Comment donc !… Prenez l’oreiller qui est dans le coin.

RAGOTIN, prend une chaise à droite, en fait un oreiller.

Ma foi, ce n’est pas de refus. (Il ôte son pourpoint.) Ce petit vin de Roquefinette, ces chansons, ce changement d’existence : tout cela m’a brisé… (Il fait mine de se coucher.)

LA RANCUNE, à part.

Est-ce qu’il va coucher avec ses bottes ? (Haut.) Monsieur le marquis, vos bottes !

RAGOTIN.

C’est juste ! (Ils les ôte, et va les mettre dans un coin.)

LA RANCUNE, à part.

Elles sont à moi.., je les vois là-bas ! Elles brillent comme un phare. (Haut.) Monsieur le marquis !

RAGOTIN.

Ne m’appelez donc pas monsieur le marquis ! Entre nous, appelez-moi donc tout simplement monseigneur.

LA RANCUNE.

Monseigneur préfère-t-il la ruelle ?

RAGOTIN.

Où prenez-vous la ruelle ?