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LA RANCUNE.

Tous les appointements ?… N’exagérons rien ; paye-moi seulement les miens.

LA RESSOURCE.

J’ai dit tous les appointements… Si nous manquons cette affaire, que devenir ?… La caisse est vide !… Il faudra nous remettre au régime du pain, de l’eau et des radis noirs !

LA RANCUNE.

Les radis noirs ! O la Ressource, te souviens-tu du jour où je suis venu à toi, pour la première fois ? C’était à Angoulême, en 1628, l’année du siège de La Rochelle ; j’étais jeune, nain, tendre, blond, mélancolique, plein d’illusions et d’aspirations idéales ; ô la Ressource ! ô les radis noirs ! qu’avez-vous fait de ma jeunesse ?

LA CAVERNE.

Et de la mienne ? O la Ressource, te souviens-tu, pauvre enfant abandonnée… ignorant sa famille… mais sentant dans son cœur les battements d’un sang noble et généreux…

LA RESSOURCE.

Bon !… la voilà partie sur le chapitre de sa noble famille.

LA CAVERNE.

Vous verrez qu’un jour je la retrouverai ; et alors…

LA RESSOURCE.

Soit, soit !… les illusions et la famille se retrouvent quelquefois ; les bonnes affaires, jamais !…

TOUS.

Il a raison !

LA RESSOURCE.

Mettons-nous tous en campagne ; et cherchons chacun de notre côté la comédienne qui nous manque ; peut-être pourra-t-on en retrouver les traces ?

TOUS, moins Destin.

Oui, oui, allons !

LA RESSOURCE.

Viens avec nous, la Rancune !

DESTIN, vivement.

Allez ; la Rancune et moi, nous allons, explorer un autre quartier !

LA RESSOURCE.

Soit ! Rendez-vous ici dans une heure, et que le ciel nous protège ! (Aux autres.) Venez, vous autres ! (Ils sortent.)