Page:Crémieux et Halévy - Le Pont des Soupirs.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cornarino.

Quoi ?

Baptiste.

Il me semble que ma victime ronfle.

Cornarino.

Tu es stupide !… On n’a jamais fait ronfler les gens à coups de poignard.

Malatromba.

Elle sourit. Ça lui va bien de sourire !… (Il la chatouille de nouveau.) Cela m’amuse de jouer avec ma victime ! C’est honteux ! mais cela m’amuse !

Catarina, revenant à elle-même.

Où suis-je ?…

Malatromba.

Elle ne pouvait pas dire autre chose ! Quand une femme sort d’un long évanouissement, elle s’écrie : Où suis-je ?…

Catarina, apercevant Malatromba.

Lui !… lui encore !

Malatromba.

Oui, je suis lui.

Catarina.

Vous me faites horreur !

Malatromba.

Pas de marivaudage ! Tu as bien tort, va, jamais bluet dans les blés, jamais grillon dans la campagne, jamais ramier dans le bocage, jamais berger sur la fougère, jamais, en un mot, la nature au printemps ne chanta l’amour comme je l’aurais chanté à les pieds, si tu l’avais voulu. C’eût été une féerie, un rêve !

Cornarino, à Baptiste.

Il va chanter son rêve !

Baptiste, à Cornarino.

Nous ayons cinq minutes à nous. (Ils rentrent leurs têtes.)

Malatromba.

Ah ! qu’il était doux, mon beau rêve !
        Il m’emportait !
        Il m’entraînait
Comme la feuille qui s’élève
        Au tourbillon
        De l’aquilon !