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Malatromba.

Il me semble avoir entendu… (Malatromba heurte du pied Cornarino qui s’aplatit de son mieux et pousse un ronflement à l’unisson avec Baptiste.) Quelque mendiant qui dort et qui rêve tout haut !… Heureuse insouciance ! Voilà des gens qui se reposent calmes et tranquilles sur la dalle humide et glacée, avec le ciel bleu sur la tête. Tandis que moi, dans mon palais d’agate et de porphyre, je cherche vainement un sommeil qui fuit éternellement ma paupière fatiguée par les veilles, l’orgie et les affaires ! (Il heurte de nouveau Cornarino du pied.) Heureuse insouciance ! (Se tournant vers le balcon de Catarina.) Dans une heure, madame ! (Il sort.)



Scène V

BAPTISTE, CORNARINO.
Cornarino, se levant et s’élançant sur ses traces.

Infâme !… Traître et parjure !

Baptiste, l’arrêtant.

Pas d’imprudence, monsieur !… Et ne crions pas tant que cela !

Cornarino.

Mais tu n’as donc pas entendu ce qu’a dit cet homme !… Dans une heure, il sera aux pieds de Catarina… de ma femme, dans mon appartement… chez moi ! Comprends-tu ?

Baptiste.

Oui, monsieur… très-bien ! Mais du calme, au nom du ciel !…

Cornarino.

Du calme !… Voilà bien de mes gens qui ne sont pas mariés.

Baptiste.

Je le serais… que je dirais la même chose… D’ailleurs mon père l’était.

Cornarino.

Et mon plus cruel ennemi est mon ami intime, mon cousin Fabiano Fabiani Malatromba !

Baptiste.

C’est d’un cousin…

Cornarino.

Oh !… à ce nom, à cette idée, toute ma colère me reflue au cœur ! Oh ! Cet homme n’entrera pas là, ou sur mon âme, sur ma part d’éternité, il m’y trouvera !