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LETTRE.
––––Monsieur, madam’Dorothée Bruscambille,
––––Pardon, excus’pour mon indiscrétion ;
––––J’viens vous d’mander la main de votre fille,
––––C’que je n’frais point si j’n’étais pas garçon !
––––J’veux pas savoir si c’est un’fille unique,
––––Elle est unique en beauté, ça m’suffit.
––––J’ai pas besoin d’une dot magnifique,
––––Car la vrai’dot, c’est les fleurs de l’esprit.
––––Mon Dieu ! j’sais bien que vot’fille est danseuse,
––––Et qu’les danseus’montrent plus que leur né.
––––J’sais qu’leur vertu, c’est un’chos’vétilleuse,
––––Et que, des fois, y’en a qu’ont mal tourné ;
––––Mais, voyez-vous, j’ai là-d’ssus mon idée,
––––D’la profession faut pas s’embarrasser ;
––––Car une femm’, quand elle est décidée,
––––Pour mal tourner n’a pas besoin d’danser.
––––Moi j’suis bel homm’, j’ai jamais eu un rhume,
––––Et je m’appell’Jean Poirot de mon nom.
––––Sous votr’respect, poireau c’est un légume
––––Avec lequel on fait du bon bouillon.
––––J’ai le cœur tendre, amoureux et très-vierge,
––––Et je suis Suiss’, quoiqu’natif de Nogent,
––––Comm’qui dirait portier ou bien concierge
––––Dans un’maison ous’qu’y a de l’argent !
––––Ayant de quoi, croyez, monsieur et dame,
––––Que sur la dot’je n’s’rai pas très-taquin
––––Si vous voulez qu’Dorothé’soit ma femme
––––Répondez-moi : Hôtel Saint-Florentin.
BAVOLET.

Mon ami, c’est plein de délicatesse…

POIROT.

Mon Dieu ! je l’ai écrite avec mon cœur… Et je vais la porter moi-même… M’accompagnes-tu ?

BAVOLET.

T’accompagner ! Et mon explication avec madame Bav… avec mam’selle Rose ?…

(Rose parait au haut de l’escalier.)

Ah ! Poirot… c’est elle !