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je ne suis pas arrivé à mon âge sans connaître la vie… J’ai une maîtresse, moi, madame !

BAGATELLE.

Oui ! Eh bien ! raison de plus pour me laisser tranquille !

GEORGES, très-monté.

J’ai déjà eu des aventures, moi, madame, j’en ai encore eu une l’autre semaine et une drôle… Si vous voulez, tenez, je vais vous la raconter. (Bagatelle fait un geste de refus et va s’asseoir sur le tabouret du piano.) Puisque ça paraît vous intéresser, je vais vous la raconter. (Bagatelle lui tourne le dos, et Georges tourne autour du piano.) Il faut dire que dans ce moment-ci, nous sommes à la campagne… à Neuilly… avec maman, (Se reprenant.) avec ma mère… mais ma mère sait ce que c’est qu’un jeune homme. Alors, quelquefois quand… une dame me fait demander par Louis… Louis, c’est le jardinier, je dis : « Je ne dînerai pas ce soir. » Maman, (Même jeu.) ma mère comprend, et je vais à Madrid dîner avec la personne. — Eh bien ! écoutez ma dernière aventure… et vous verrez que je suis un bonhomme qui ne se fait pas d’illusions… Je connais les femmes… Eh ! mon Dieu, madame, je ne leur demande pas plus qu’elles ne peuvent donner.

RONDEAU.
––––––À la campagne, avant-hier soir,
––––––J’attendais ma folle maîtresse.
––––––Elle m’avait fait la promesse
––––––D’y venir sans faute me voir.
––––––Au bout d’une heure, las d’attendre,
––––––En homme impatient, je pris
––––––Le seul parti que j’eusse à prendre :
––––––C’était la route de Paris.
––––––Je m’embarque naïvement,
––––––Et vers-z-onze heures-z-et demie
––––––À la porte de mon amie
––––––Cours sonner amoureusement.
––––––Au premier bruit de la sonnette,
––––––Pas de réponse tout d’abord.
––––––Je m’impatiente et m’apprête
––––––À réitérer mon accord.
––––––La porte s’entr’ouvre, une voix