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tre. (Se penchant comme si elle parlait au chef d’orchestre.) — Hein ? — Sortez de scène ! — Que je sorte de ?… Non, Charles, je ne sortirai pas, je ne veux pas en avoir le démenti. » Et je chantais toujours… mais les dents serrées, les yeux déjà troubles, à moitié évanouie… quand, au milieu du vacarme, je crois percevoir tout à coup le doux bruit de ces bravos que je pensais ne plus jamais entendre… timides d’abord… puis plus résolus… Je les compte… deux, quatre, six, huit… j’ouvre un peu les yeux… c’était bien des claques…

FINETTE.

Des claques !

BAGATELLE.

Oui, des claques, mais des claques qu’un monsieur distribuait à chacun des quatre jeunes gens… huit giffles sur huit joues… On se collète… la police intervient et emmène tout le groupe au poste, sans que j’aie eu le temps de distinguer les traits de mon défenseur. Mais sa conduite avait électrisé la salle… qui se met alors à l’applaudir à son tour… — ça n’est pas entêté, les salles — et à m’applaudir aussi du même coup… Et « Bagatelle ! » et « vive Bagatelle ! » et « à bas la cabale ! ». Bref, on m’oblige à recommencer toute ma chanson, et, au dernier couplet, j’étais à la fois enterrée et ressuscitée sous les fleurs.

FINETTE.

Et ne pas savoir à qui vous devez cela !

BAGATELLE.

Oh ! je saurai son nom demain. Voilà, mam’selle Finette… et si, avec tout cela, tu crois que je n’ai pas sommeil…

FINETTE.

Je me le demande ! aussi madame va aller se mettre au lit tout de suite. (Regardant le pendule, à part.) Minuit !

BAGATELLE.

Eh bien non, pas encore !

FINETTE.

Ah !