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La plus belle ombre, ma chérie !
Ne peut donner que ce qu’elle a.
Accepte donc, je t’en supplie,
Sous l’enveloppe que voilà,
Le cœur d’un roi de Béotie !
Eurydice.

Va-t’en, te dis-je, tu sens le vin…

John.

Ah ! Voilà bien une idée !… parce que je vous ai dit tout à l’heure que je m’enivrais parfois… Mais vous ne savez donc pas avec quoi je m’enivre… c’est avec de l’eau… de l’eau pure !…

Eurydice.

De l’eau !…

John.

Oui, madame… mais une eau délicieuse, l’eau du fleuve Léthé… Oui, c’est pour oublier que je bois, pour oublier la triste condition où je suis tombé !…

Eurydice.

C’est une drôle d’idée !…

John.

C’est une idée d’homme libre et fier, madame, qui se souvient de sa splendeur passée… Cette funeste habitude me gêne bien quelquefois dans mon service ;… par exemple, quand mon maître me donne un ordre, naturellement, je bois, par fierté… avant de lui obéir… Naturellement aussi j’oublie l’ordre qu’il m’a donné… Il me le redonne, je rebois, je réoublie, et ça dure quelquefois comme cela des journées entières… mais il s’en accommode très-bien, parce qu’il me trouve intelligent d’ailleurs… (Tombant à ge-