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amusement, déguisés en dragons, en lions, en tigres, vont quêter à domicile et souhaiter la bonne année dans cet accoutrement, avec accompagnement de tam-tam, de cymbales en cuivre, d’instruments de musique discordants.

Autre détail à noter : c’est le tir d’une quantité incalculable de pétards et de pièces d’artifice, dans la pensée que ces détonations réitérées éloigneront de chaque demeure les mauvais génies. Aussi est-il prudent qu’un règlement de police intervienne, à l’approche du têt, pour déterminer les jours et heures pendant lesquels le jet des pétards est autorisé sur la voie publique, pour assurer la sécurité des passants et la libre circulation des voitures. Les jeux de hasard sont tolérés, uniquement dans la vie intime des Asiatiques, durant trois jours.

Jours de liesse, de repos et de divertissement, où la vie sociale, commerciale, agricole et industrielle d’un pays est, à vrai dire, interrompue. Chinois et Annamites prennent à qui mieux mieux un air de recueillement nécessité par la circonstance. Les marchés sont vides et de débitants et d’acheteurs ; l’entrée des maisons particulières est rigoureusement interdite aux étrangers, dont la présence y serait considérée comme de mauvais augure ; les travaux de construction sont suspendus, les transactions arrêtées ; les boutiques des marchands et les ateliers se ferment, et, au coucher du soleil, on dispose sur les devantures, le long de la rue, des files de lanternes, qui produisent le plus bel effet.

Voilà un spectacle digne de rivaliser avec celui qu’offrent les musulmans de l’Inde, à Pondichéry, dans leur splendide fête de nuit des Yamseys, ou avec la procession des Hindous brahmanistes de Saigon, éclairée à giorno à l’aide de flambeaux et de feux multicolores de Bengale, groupée autour du char du dieu Vichnou qu’elle escorte, et que traîne toute une secte d’adorateurs !

Toutes ces cérémonies et coutumes destinées à célébrer le nouvel an chinois se retrouvent, pour la plupart, au Japon : les cadeaux de canards, d’oranges, d’emblèmes de longévité y sont traditionnels ; au seuil des portes, même les plus pauvres, on plante deux branches de pin, quelquefois associées au bambou ; les discussions sont interdites ; on ne doit même pas réprimander les serviteurs, ce qui porterait malheur, non seulement à eux, mais encore à leurs maîtres.

II. La Fête des Morts

Ou la cérémonie propre à apaiser les âmes errantes (am, obscur, nhon, homme), se célèbre le 14e jour de la 7e lune. Cette pratique religieuse est tout à fait distincte du têt, qui a pour but, ainsi que nous l’avons montré, d’honorer les ancêtres décédés et qui n’a lieu qu’au premier jour de l’an, dans l’intérieur des maisons, sur l’autel domestique, en face du feu sacré et des tablettes commémoratives des ancêtres.