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nois, n’ont-ils pas soutenu que l’Inde et l’Égypte étaient le point de départ de l’antique colonie qui a planté ses tentes en Chine ?

Voilà un nouvel élément du problème ethnologique qui se dresse en face de l’origine sémitique ou japhétique des Chinois, qui, eux, se prétendent autochtones !

En attendant que la science vérifie si les habitants des rives du Gange ou du Nil et ceux qui boivent les eaux du Fleuve Bleu (Yang-tse-Kiang), ont les mêmes ancêtres, la question est ouverte, dirai-je à mon tour, en la reprenant avec un publiciste japonais, M. Oshima Tane-Hito[1]. Ce judicieux et sagace écrivain, n’attachant qu’une médiocre importance à la légende d’une migration de navigateurs malais, pour expliquer la formation de la race japonaise, se demande, preuves historiques à l’appui, s’il ne conviendrait pas plutôt de la rattacher au groupe des peuples Ouralo-Altaïques, qui « adoraient le grand Chamos — personnifié dans le soleil ou « le feu » — et qui serait tout simplement Cham, fils de Noé. Si cette version d’une origine chamique est plausible pour les Japonais, qui habitent un territoire insulaire, combien n’est-elle pas plus acceptable encore pour les Chinois, qui habitent le continent asiatique où sont situés les monts Oural et Altaï ? L’historien sacré de la Genèse (X, 17) ne relate-t-il pas que Sineus est un des fils de Chanaan ? Il est, dès lors, logique de concevoir que ce petit-fils de Cham ait été l’auteur commun des Cent Familles[2] primitives qui, dans la suite des ages, ont peuplé l’Empire du Milieu[3], la Chine.

Me voici arrivé au terme de cette étude, résultat de dix-huit ans d’observations puisées au cœur même de divers pays d’Extrême-Orient que j’ai habités. Je m’estimerais heureux d’avoir pu contribuer, quoique imparfaitement, à les mieux faire connaître. Certes, ils ne sont pas, comme le nôtre, dévorés de ce besoin insatiable de vitesse vertigineuse qui nous affole, et ils n’en sont pas plus à plaindre. Ils se cristallisent, dit-on, dans l’ornière du passé, dans une torpeur quatre fois millénaire. Qu’en sait-on ? Nous sommes trop enclins à critiquer leur civilisation, à la qualifier sévèrement, parce que nous ne la comprenons pas, parce qu’elle ne nous présente pas le spectacle complet, comme chez nous, des merveilles réalisées par la vapeur et par l’électricité, sans nous apercevoir qu’elle repose sur une base immuable, qui délie les siècles, que nulle force au monde ne saurait ébranler : la famille !

  1. Auteur d’un Essai d’ethnographie japonaise, qui a été inséré dans la Revue française du Japon, Tokio, 1892, p. 203, No. — Cette Revue avait pour directeur, M. Boissonade, le jurisconsulte bien connu, professeur honoraire à la Faculté de Droit de Paris, ancien Conseiller légiste du Gouvernement japonais.
  2. Po-sing.
  3. Tchong-Kouo.