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pour être inhumés au pays natal (tsien kou hai). C’est seulement en Chine qu’il trouvera le repos ; c’est là seulement qu’il est certain de recevoir les hommages, le culte et les offrandes qui lui sont dus par sa descendance.

e) L’épisode de Joseph vendu par ses frères à des Ismaélites. qui l’emmènent en Égypte (Genèse, XXXVII, 28), n’est pas sans ressemblance avec le contrat de servitude en Chine.

f) L’exposition de Moïse par sa mère sur le bord du fleuve (Exode, II, 3) ne rappelle-t-elle pas la pratique usitée en Chine — quand des parents sont éprouvés par l’adversité — de déposer le nouveau-né, gardé à vue, dans un lieu fréquenté, où quelque âme compatissante recueillera l’enfant pour l’élever, et le leur rendre ensuite ? Cela se dit kouo fong tua : « Changer la maison. »

g) L’écrit de divorce (libellus repudii) qu’un mari remet à sa femme en la renvoyant de chez lui (Deutéronome, XXIV, 1), est exactement l’acte de répudiation conjugale (cheng li ts’eu) mentionné dans l’article 116 du Code chinois.

h) L’ornement en soie, appelé pou tsé, que les mandarins chinois portent sur la poitrine et dans le dos, les jours de processions et de cérémonies publiques, n’est-ce pas le « rational » que le grand prêtre des Juifs portait sur la poitrine ? (Exode, XXVIII, 30 ; XXIX, 5.)

i) Ne peut-on pas voir dans les esprits ou génies protecteurs (wong chen, ong-than en annamite), divinisés par les Chinois, un vestige de la tradition des Anges, par lesquels Dieu gouverne l’univers ?

Cette similitude d’usages est-elle l’effet du hasard ? Quelques orientalistes ne le pensent pas. D’après un célèbre prédicateur[1], l’origine des Chinois remonterait à des temps fabuleux où les descendants de Noé, après la dispersion des peuples dans les plaines de Sennaar, auraient émigré vers l’Orient, dépassant les provinces de la Haute Asie, et atteignant la Chine et le Petchili. Le P. Louvet[2], des Missions étrangères, est plus affirmatif : le peuple chinois, et, par suite, le peuple annamite, qui n’est qu’un rameau détaché de la famille chinoise, descendent de Sem et sont frères des Hébreux.

Les Arabes connaissent la Chine sous le nom de pays des Sin ; les Persans, sous celui de pays des Tchen. Selon eux, Sin ou Tchen serait le fils aîné de Japhet : son père lui aurait donné la Chine en partage.

Jamais chaos ne fut comparable à celui qui environne le berceau du peuple chinois. Et comme pour obscurcir davantage cette page de l’histoire des migrations humaines, de savants indianistes et égyptologues, étonnés de la coïncidence qui existe, soit entre le culte des ancêtres en Chine et les honneurs rendus aux morts dans l’Inde, soit entre les hiéroglyphes des ruines de Thèbes et de Memphis et les caractères idéographiques chi-

  1. Le R. P. Didon, Jésus-Christ, 1891, t.  I, p. 26.
  2. Voy. La Cochinchine religieuse, 1885, t.  I, p. 58.