Page:Crémazy - Coutumes, croyances, moeurs et usages en Chine, dans l'Annam et en Corée, 1908.pdf/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 11 —

Les Chinois suppriment souvent l’intercalaire dans leurs noms : Nam-Thai, Tran-Phu.

Bien des noms de boutiquiers ne sont pas les leurs : c’est celui de la raison sociale. Ainsi l’enseigne au nom de Ky-Yun indique le titre de la société de commerce ; le vrai nom du marchand est Huong-Tho.

L’usage, en Chine, est de changer de nom ; 1o à l’entrée de l’enfant à l’école ; 2o au moment du mariage ; 3o à une époque avancée de la vieillesse. C’est un système d’état civil assez compliqué, il faut en convenir.

VIII. Le Dieu protecteur du village (Ong Than)

Est un génie qui prend sous sa protection particulière les habitants d’un village ; aussi célèbrent-ils en son honneur deux grandes fêtes annuelles : l’une au premier mois, l’autre au douzième mois. Chaque village érige à sa divinité tutélaire une pagode, dans laquelle l’autel du génie protecteur occupe la place du milieu, deux autres autels étant consacrés, l’un au génie de l’agriculture (nong than) et le second au génie du commerce (tai than). La pagode contient aussi un autel (tien hien) destiné à perpétuer le souvenir des vieillards qui, de leur vivant, s’étaient fait remarquer par leurs capacités et leur droiture.

L’Annamite, si proche parent du Chinois, qu’il l’appelle cac thiou (mon oncle), suit les mêmes coutumes, parce qu’ils ont tous deux les mêmes croyances religieuses. Dans l’Annam, un village vient-il à éprouver une série de calamités, il en infère que le sort lui est contraire, qu’il faut le conjurer, et, pour cela, changer la pagode de place et l’installer un site mieux approprié, au milieu d’un bouquet de grands arbres, d’où l’on suppose que l’action du génie protecteur se manifestera d’une manière plus efficace — ce qui ne s’obtient pas sans dépenses, auxquelles il est pourvu à l’aide de quêtes faites par les notables du village.

Si les cotisations sont abondantes, on abandonne l’ancienne pagode, et on en construit une nouvelle, qui servira d’abri au génie du village, sans oublier de bâtir à côté un compartiment réservé au théâtre, où auront lieu des divertissements pendant la durée des fêtes. Si le village est pauvre, il se contente d’une pagode en paillote ; mais, en ce cas, aucun habitant n’osera se permettre d’avoir une maison couverte en tuiles, par déférence pour le génie de l’endroit, dont la demeure doit être la plus belle du village.

Pour les fêtes, on a soin de choisir un jour heureux du mois ; on fait des sacrifices d’animaux de boucherie, dont la chair est d’abord offerte en effigie au génie, puis débitée aux habitants en proportion de ce dont ils font présent au dieu qui veille sur eux. La représentation théâtrale donnée par une troupe d’acteurs forains, dont la profession est d’aller ainsi village en village,