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octave crémazie

pousse une pointe jusqu’aux barrières. Tiens, à propos, il faudra que nous allions faire une course à Belleville, afin que je vous montre ce que c’est que le peuple communard. Chemin faisant, je vous raconterai l’histoire de la prise de la caserne du prince Eugène, un épisode sanglant de la dernière guerre.

En hiver, je suis habituellement un ou deux cours du collège de France. De ce temps-ci, je m’intéresse aux leçons de M. Michel Chevalier, sur l’économie politique, et à celles de M. Maury sur l’histoire du Domaine du Roi.

Au retour, j’achète mon journal au kiosque prochain, le Figaro, l’Univers, la Gazette de France, etc., etc. Rentré chez moi, je lis mon journal, et puis je regarde au plafond. Ce n’est pas gai, mais ça m’emporte au pays des songes. Après tout, j’aime mon Paris, c’est la capitale de l’univers ; je m’y suis toujours plu, hormis pendant le siège.

— Quoi ! vous êtes resté pendant le siège de Paris ?

— Mais oui ; quand j’ai voulu sortir, il était trop tard ; ce n’était pas divertissant. Depuis ce temps-là, mon estomac n’a pu se remettre des repas impossibles que j’ai pris, depuis le steak de cheval jusqu’au fricot de rats. Au centre de Paris, où j’étais, il n’y avait aucun danger : les boulets prussiens n’arrivaient pas jusque-là.

Un matin, je voulus m’aventurer du côté du Luxembourg pour voir le combat de plus près ; pendant que je m’amusais à écouter le grondement du canon, un