Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

79
octave crémazie

Les délassements studieux dans la bibliothèque de M. Bossange, qui l’entretenait de ses goûts de bibliophile, les promenades sous les arcades vertes du parc, précédé des petits enfants de son hôte, qui l’agaçaient en s’enfuyant sous l’ombre des sentiers soyeux, ou en égratignant de leurs petits pas le sable fin des avenues, l’exercice modéré dans les champs, parmi les vignes et les blés, où la brise rafraîchissait ses tempes brûlantes, finirent par avoir raison de ses bouleversements intérieurs. Les distractions, dont il avait besoin plus que de tout le reste et qui lui furent délicatement ménagées, firent renaître dans son âme sinon la sérénité, du moins une tranquillité relative ; mais il lui resta une débilité générale et une tendance à des maux de tête qui ne lui permirent plus de se livrer à des travaux continus.

De retour à Paris, dans le morne silence de sa mansarde, il lui fallut songer à vivre et à tuer l’inexorable ennui. Il se mit en quête d’occupations compatibles avec l’état délabré de sa santé. Les emplois passagers que M. Gustave Bossange lui procura, et quelques agences particulières, sans importance, qu’il parvint à obtenir, n’auraient pu suffire à lui donner du pain, s’il n’avait reçu de continuels secours de ses frères. À part quelques mois de séjour au Havre et à Bordeaux, de rares excursions dans les provinces du centre, il vécut toujours à Paris, toujours seul, occupant un petit garni sous les toits au quatrième ou cinquième étage, tantôt dans un quartier, tantôt dans un autre, sans