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octave crémazie

nées de Paris ; abandonné de tout le monde, étendu sur un lit de camp, où il ne recevait d’autre secours que des services mercenaires, ce qu’il eut à souffrir pendant cette maladie peut se conjecturer, mais ne s’exprime pas. Les événements implacables qui l’avaient jeté sur les rivages de France apparaissaient dans son délire comme un rêve dont il ne pouvait se réveiller. Il dut probablement la vie à une connaissance d’autrefois, qui vint lui tendre la main au moment où il était loin de s’y attendre. M. Hector Bossange, dont le nom est si bien connu au Canada, ayant appris le délaissement et l’état désespéré où il se trouvait, vint le visiter et lui offrit l’hospitalité sous son toit. Dès qu’il put se traîner hors de sa chambre, M. Bossange l’emmena avec lui à son château de Citry, en Champagne, où il lui prodigua tous les soins d’une amitié qui ne s’est jamais démentie, et qui réussirent à le ramener à la vie. Cette vieille résidence des barons de Renty, avec ses constructions d’un autre âge, avec ses souvenances séculaires qui séaient si bien à l’imagination poétique de Crémazie, avec sa société si spirituelle et enjouée, avec son parc tout plein de parfums et de chants d’oiseaux, fut une oasis enchantée au milieu du désert de sa vie. Madame Bossange l’entoura de délicatesses et de prévenances maternelles, dont il ne parlait jamais qu’avec des larmes dans les yeux. Canadienne comme lui, elle était à ses yeux tout ce qui lui restait de la patrie perdue.[1]

  1. Madame Bossange, née Fabre, est la tante de notre excellent écrivain M. Hector Fabre.