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octave crémazie

à Rome, M. le grand vicaire Taschereau, aujourd’hui votre archevêque, et M. l’abbé Hamel, du séminaire de Québec ! Ils n’ont fait que passer et je ne les ai vus qu’un instant ; mais vous, vous n’êtes pas pressé, vous allez me rester. Que de choses nous aurons à dire ensemble ! Il s’est passé tant d’événements depuis que j’ai quitté le Canada !

Ce disant, il m’entraînait sous les arcades des grands bois du Palais-Royal, qui s’assombrissaient à la tombée de la nuit.

— Ah ! çà, me dit-il après une longue causerie, il ne faut pas que je sois égoïste. Je suis trop heureux aujourd’hui pour ne pas faire partager ma joie avec un ami plus infortuné que moi. Demain il faut que vous alliez voir ce pauvre baron Gauldrée-Boilleau, qui est enfermé à deux pas d’ici à la prison de la Conciergerie ; moi, du moins, je suis libre, mais lui, il est sous les verroux. Vous trouverez un homme exaspéré, dans un état de surexcitation qui fait peine à voir : il ne peut supporter l’idée des affronts dont on l’abreuve, il bondit d’indignation devant les flétrissures qu’on cherche à infliger à son caractère. Le vrai coupable dans cette affaire de Memphis-el-Paso, c’est le général Frémont, son beau-frère, mais il fallait des victimes aux hommes du quatre septembre.

Chaque matin, au retour de ma messe, que je disais à l’église de Saint-Roch, j’étais sûr de rencontrer Crémazie sous le portique de mon hôtel, à moins qu’il ne m’eût donné rendez-vous chez lui. Pour rester dans